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Faire Metz-Thionville-Ensemble

Plaidoyer pour une Métropole : ne restons pas au milieu du gué, le débat ne peut pas être esquivé.


A l'approche des élections de décembre prochain dans le contexte de la Réforme Territoriale et da la future Région ACAL, ainsi que dans le contexte de la création d' une Métropole à Nancy,  la réflexion sur le sujet de notre territoire et de son évolution me parait être une priorité.
 

Je rappelle mon opposition et celle des sénateurs du groupe CRC à la loi NOTRe, à la fusion forcée des régions et donc à la création de la Région ACAL. J'ai expliqué mon opposition à l'élection directe des élus intercommunaux. Ce serait la mort annoncée de nos Communes. J'ai fait part de notre profonde inquiétude au regard des baisses de Dotation de l'Etat aux collectivités.
 

Vous le savez, j'ai toujours défendu la vision d'une intercommunalité qui regroupe de véritables bassins de vie et d'emploi, de taille suffisamment importante pour assurer efficacement les coopérations intercommunales ainsi que la mise en place d'équipements et de services à destination des habitants, des entreprises, des associations et du bien vivre ensemble dans le respect des Communes, de leur autonomie et de leur rôle de proximité irremplaçable.
 

A ce sujet, je voudrai rappeler mon combat, au moment de la refonte de la carte intercommunale, pour la fusion des trois intercommunalités (celle de l'Orne Moselle, celle de Maizières-Les-Metz et celle du Sillon Mosellan).
 

Je me souviens de l'engouement des habitants, des partenaires institutionnels, des entreprises et des observateurs de la presse locale pour cette idée d' une Communauté de 100 000 habitants sur un territoire cohérent. L'engouement aussi pour les projets qui pouvaient alors se développer en matière de transport en commun, de circulation Est/Ouest, d'aménagement du territoire et de son équipement.
 

Je me souviens aussi de l'opposition ou, au mieux de l'absence d'engagement, des responsables politiques sur le sujet. Trop tôt pour les uns, trop compliqué pour les autres, ou simplement contraire aux logiques politiques ou à certains  intérêts particuliers ou financiers. Au final, et heureusement, sur ce territoire cette refonte a quand même accouché  d'un minimum en terme de cohérence territoriale. Je veux parler de la fusion de deux intercommunalités, celle du Sillon Mosellan et celle de Maizières, qui a donné naissance à la Communauté Rives de Moselle.
 

C'est bien. Mais nous sommes restés au milieu du gué.
 

Ce que le Préfet de Région de l'époque avait appelé le "paquet Abate" en vantant sa pertinence tout en expliquant qu'il n'avait pas le moyen de l'imposer ne s'est pas fait. Je veux parler de la fusion à 3 (Orne Moselle, Maizières, Sillon Mosellan). Elle reste pertinente. Pour preuve, s'il n'en fallait qu'une : avec une telle fusion, il n'y aurait  aujourd'hui plus aucun Syndicat Intercommunal en doublon. La Communauté de Communes s'y substituerait avec ce que cela peut apporter d'économie, d'efficacité et de cohérence pour l'action publique.
 

Ceci étant, récemment  et de façon très rapide, les choses ont  bougé, le contexte a changé.
 

La réforme territoriale a été votée. La nouvelle  Région ACAL sera bientôt une réalité. La loi sur les Métropoles se concrétise et Nancy vient d'obtenir le statut de Métropole. Ce sera la deuxième de la Région ACAL après Strasbourg. Pendant ce temps le Maire de Metz propose de créer Metz Communauté Urbaine en élargissant le territoire vers le nord et en particulier vers Rives de Moselle, voire la Communauté de Communes de l'Orne Moselle, à l'horizon 2020. En parallèle des rumeurs font état d'un rapprochement de cette même Communauté de l'Orne Moselle avec celle de la Fensch, rapprochement dont la cohérence reste d'ailleurs à démontrer.
 

Mais pourquoi rester encore au milieu du gué ?
 

Que restera-t-il de la capacité de notre territoire de Metz à Thionville à définir une véritable stratégie de développement et à peser sur les décisions s'il continue à être morcelé et divisé  alors même que Nancy va créer sa Métropole, que Strasbourg en est déjà une et que, demain, Metz ne sera plus le chef lieu d'une Région dont la capitale sera alsacienne ? 
 

N' oublions pas que, de Metz à Thionville, notre bassin de vie et d'emploi compte  650 000 habitants dans un cercle de 20 km de rayon au cœur géographique de la future Région ACAL avec une dimension transfrontalière particulièrement remarquable. Il s'agit là en dehors de Paris, Lyon ou Aix-Marseille de la plus importante et de la plus imbriquée des agglomérations de France. Elle est composées de Villes, grandes et petites, de Communes périurbaines ainsi que de Communes rurales. Cet ensemble de Communes et leurs 650 000 habitants, les entreprises, les associations, les Services Publics de ce territoire ont de toute évidence un avenir commun. Cet avenir commun doit être réfléchi, débattu et dessiné de façon concertée. Cet avenir commun doit être mis en œuvre de façon cohérente notamment en matière de circulation et de transport en commun, de relations transfrontalières, de santé, d'innovation et de recherche, de création de valeurs et d'emplois, de développement des services publics, d'aménagement et d'équipement du territoire.
 

Les élus de cette agglomération messine et thionvilloise ne peuvent pas rester passifs. Nous ne pouvons pas camper sur des postures dogmatiques, ou, pire, n'être animés que par nos seuls intérêts politiques au moment même où un certain nombre de socioprofessionnels mettent à juste titre ce sujet à l'ordre du jour de leurs préoccupations.
 

Le débat sur une Métropole ne peut pas être esquivé. Il ne peut pas attendre.
 

Il existe un certain nombre de craintes et de dangers. C'est vrai. Ce sont d'ailleurs des éléments de ce débat que j'appelle de mes vœux. J'en relèverai un certain nombre .
 

Première crainte, premier danger : une Métropole écraserait les Communes, les viderait de leur substance et leur ôterait toute autorité et toute légitimité tout en éloignant toujours plus les citoyens des responsabilités politiques. Tout cela est possible. C'est un risque. Mais ce n'est pas une fatalité.
 

Qu'en est-il vraiment ? On retrouve, là, les mêmes enjeux et la même problématique que pour l'intercommunalité d'aujourd'hui. En effet, comme une simple intercommunalité, une Métropole peut aussi bien être au service d'un projet de territoire partagé qu' être un outil d'asservissement des communes membres. Comme une simple intercommunalité, une Métropole peut aussi bien être un outil de gouvernance démocratique qu' être un moyen de domination politicien au service de quelques uns. Comme une simple intercommunalité, une Métropole peut éloigner encore plus les citoyens de la  décision politique.
 

Tout comme les élus intercommunaux, les élus métropolitains pourraient être élus au suffrage universel direct. Ce serait la fin de la légitimité des Maires et de leurs Conseils. J'y suis opposé. Cette orientation législative à l'horizon 2020 doit et peut être combattue en même temps que doivent et peuvent être développés des outils de démocratie participative dans les regroupements intercommunaux, que ce soit pour les métropoles ou les simples intercommunalités.
 

Ce sera de notre responsabilité d'élus que de mettre en œuvre un projet de territoire partagé et au service du plus grand nombre. C'est en en débattant sans délai et sans tabou qu'on permettra l'intervention des citoyens et des forces vives de notre territoire pour un véritable projet qui répond à leurs attentes. C'est en débattant sans délai et sans tabou que les Communes, même les plus petites, pourront peser efficacement et utilement sur ce projet de territoire et ses orientations .
 

Il s'agit de faire Metz-Thionville-Ensemble et non pas de faire une obscure et puissante structure technocratique supplémentaire.
 

Demain, les citoyens et nos communes abandonneront de plus en plus de leur pouvoir à de trop petites intercommunalités éparpillées sur le territoire. Ces dernières seront encore dépendantes d'un Conseil Départemental doté de moins en moins de compétences et de moyens mais qui cherchera tout autant à assoir son autorité sur le territoire. Dans le même temps, l'essentiel de notre avenir sera décidé par un exécutif de la Région ACAL installé à Strasbourg. Celui-ci désignera peut-être même dans chacune des anciennes Région un Vice-président délégué qui prendra ses ordres dans la capitale alsacienne. Restera l'administration préfectorale et les autorités européennes.  Dans ce mille-feuille largement épaissi que restera-t-il des moyens d'intervention pour les Communes, les Maires, les Conseil Municipaux et pour les citoyens sur leur propre territoire ? Divisés, nous serons, de fait, affaiblis dans nos ambitions en matière de développement économique et social.
 

Un projet métropolitain permettrait de récupérer sur ce territoire pertinent de Metz à Thionville toutes les compétences des intercommunalités actuelles ainsi que celles du Département et de la Région. Nous pourrions ainsi peser sur les choix, négocier directement avec Strasbourg ou avec l'Etat, comme avec nos voisins belges, allemands et luxembourgeois.
 

Ne pas rester isolé, parler d'une seule voix, prendre rang aux côtés de Nancy et de Strasbourg dans la Région ACAL, c'est bien l'enjeu de la métropolisation pour Metz et Thionville.
 

Autre crainte, autre danger : la métropolisation, ce serait la porte ouverte aux grandes entreprises multinationales qui trouveraient là des marchés comme ceux de l'assainissement, de l'eau, des déchets ménagers, de l'énergie, des transports, de la santé, etc.. avec une taille appétissante. Cela est possible. C'est un risque. Mais ce n'est pas une fatalité.
 

Qu'en est il vraiment ? Notre territoire a cette singularité d'être maillé par un grand nombre de Régies Municipales, de Syndicats Intercommunaux, de Société Publiques Industrielles Commerciales et autres Etablissements Publics qui ont fait la démonstration de leur efficacité. Ils ont été créés par la volonté politique. Il n'y a que la volonté politique qui pourrait les mettre à mal et qui pourrait ouvrir la porte aux multinationales, au profit et à la loi du marché là où il y a aujourd'hui des citoyens-usagers, l'intérêt général et un Service Public.
 

Une métropole, peut être un moyen pour mutualiser et pérenniser les outils public d'intervention au service des habitants. Cela peut donc être le moyen de créer ou de renforcer ces Services Publics. C'est un choix politique. Ce sera le choix des citoyens qui devront impérativement être partie prenante de la construction de leur métropole. Ce seront eux qui imposeront l'intérêt général au détriment du profit. Il n'y pas de fatalité à ce qu'une Métropole impose des choix ultra libéraux de développement. Comme n'importe quelle autre collectivité territoriale, dans ses champs de compétence, une Métropole peut très bien porter des choix de développement respectueux des travailleurs, des petites entreprises et des petits commerces, des Service Publics, de l'argent public qui va aux entreprises ainsi que des choix respectueux de l'environnement et des choix solidaires.

 

Faire Metz-Thionville-Ensemble, avec pragmatisme et bon sens, c'est pouvoir faire ces choix aussi !


Patrick ABATE

Maire de Talange
Sénateur de la Moselle

Tag(s) : #Actualités, #métropole
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